Comme une promenade poétique autour de la Méditerranée, le film (narré par Jacques Gamblin) questionne, au départ du mythe d’Icare, notre monde contemporain où se mêlent destruction, beauté et humanité. Notre volonté et notre capacité de mesurer le monde pour le maîtriser n’est-elle pas tombée dans une démesure qui perd son sens pour l’être humain et nous fait nous brûler les ailes ?

Le film se déroule là où des signes se révèlent : où se croisent paquebots, pêcheurs, migrants fuyant le désastre, sauveteurs et scientifiques étudiant les conséquences du réchauffement sur les fonds marins.

Que diraient Euclide et Thalès face à la montée des mers? Comment jugeraient-ils notre cynisme ?

La Mesure des choses – Bande Annonce from Iota Production on Vimeo.

Quelle mesure a su prendre Patric Jean… Charpenter, pour assembler ces pièces d’un tableau impressionnant de lucide désespérance, nonobstant les dernières recommandations de Dédale à Icare.
Remarquable essai au sens d’Adorno : «C’est pourquoi la loi formelle la plus profonde de l’essai est l’hérésie. On voit ainsi apparaître dans la chose, dans la désobéissance aux règles orthodoxes de la pensée ce qu’elles ont en secret pour finalité objective de tenir caché aux regards.»L’essai comme prise de risques, force de proposition, mouvement de dévoilement, geste d’énergie dépensée au-delà de toute raison établie. La mesure des choses en est, à quel point d’accomplissement! Le montage des éléments hétérogènes, sa vigueur dialectique, provoque la pensée et aménage des espaces roboratifs d’inconfort, de sorte que par sauts qualitatifs, une vision générale nécessairement se dégage. Ce travail est passionnant, qu’enlace en quelque sorte avec ses effets de distanciation réflexive le mythe d’Icare, sa voix, sa présence par-delà les âges du temps. La mesure cinématographique des choses, seul un tel film sait donner en partage une telle ambition, qui prend langue avec la complexité du monde en ses insondable hideurs.
Jean Perret, critique, Genève, 2020