Diffusion(s): Mardi 11/02-20h
Acteur(s) : De (les voix de) Jean-Louis Trintignant, Dominique Blanc, Denis Podalydès, Grégory Gadebois,...
Âge conseillé : A partir de 12 ans
D’après le livre «La Plus Précieuse Des Marchandises» de Jean-Claude Grumberg. Un conte humaniste et d’importance mondiale.

Au niveau des inspirations graphiques, le réalisateur a découvert les estampes japonaises grâce à une exposition et s’est nourri du travail de l’illustrateur Henri Rivière, l’une des figures majeures du japonisme en France, pour faire son film.
Michel Hazanavicius n’a pas voulu se focaliser sur la mort ou la guerre, mais a souhaité davantage rendre hommage aux Justes. Selon le réalisateur, “La Plus Précieuse des Marchandises” est un film sur la vie.
C’est le compositeur Alexandre Desplat, lauréat de deux Oscars (La Forme de l’eau, The Grand Budapest Hotel) et 3 César ( De battre mon coeur s’est arrêté, De Rouille et d’Os, The Ghost Writer) qui signe la musique du film.
Projection précédée d’une présentation du film et du livre, suivie d’un échange d’impressions et petites prolongations autour du rapport entre livre et film
Par l’asbl Cinémarche et la BILOM
La critique d’Hugues Dayez:
C’est un des rares cinéastes français à avoir décroché l’Oscar (pour “The Artist”) : Michel Hazanavicius, qui navigue volontiers entre l’humour et le drame, adapte un conte grave de Jean-Claude Grumberg (auteur, entre autres, de la pièce “L’atelier”) sous forme de film d’animation.

La plus précieuse des marchandises
Un train traverse une forêt enneigée. A son bord, des centaines de prisonniers. Un homme, redoutant la fin du voyage, jette son bébé emmitouflé par la fenêtre. Une pauvre bûcheronne, contre l’avis de son mari bûcheron, recueille la petite fille, la nourrit, la chérit. Mais leurs collègues voient d’un très mauvais œil l’arrivée de cette petite étrangère… Pendant qu’elle grandit dans une cabane loin de tout, quel destin attend son père ?
Jamais les mots “juif”, “Auschwitz” ou “Shoah” ne sont prononcés dans “La plus précieuse des marchandises”. Le narrateur (qui a la voix digne et bouleversante de Jean-Louis Trintignant, dont ce fut la dernière contribution au cinéma avant de tirer sa révérence) précise juste le contexte de son histoire, une guerre mondiale. Pour accentuer sa portée universelle, Michel Hazanavicius a décidé de porter ce conte à l’écran en adoptant le style d’un dessin animé réaliste. Les protagonistes sont esquissés avec un trait épais, comme issus de la gravure sur bois. Ils évoluent dans des décors de nature – la neige, la forêt, les feuilles mortes – magnifiquement rendus, avec un travail très pertinent sur la lumière et les ombres. La beauté du graphisme pourrait sembler antinomique avec la noirceur du sujet traité, il n’en est rien : avec subtilité, Hazanavicius emmène son spectateur vers la tragédie, et l’écriture toujours allusive de Grumberg permet au réalisateur de “The artist” d’évoquer l’horreur sans voyeurisme ni sensationnalisme.
Résultat, “La plus précieuse des marchandises” fait preuve à la fois d’une grande pudeur et d’une vraie puissance dramatique.
Présenté en compétition au Festival de Cannes, ce film d’animation à l’esthétique minimaliste et picturale de Michel Hazanavicius est une évocation bouleversante et tout en subtilité de la Shoah
Il était une fois, dans un grand bois, un pauvre bûcheron et une pauvre bûcheronne. Le froid, la faim, la misère, et partout autour d´eux la guerre, leur rendaient la vie bien difficile. Un jour, pauvre bûcheronne recueille un bébé. Un bébé jeté d’un des nombreux trains qui traversent sans cesse leur bois. Protégé quoi qu’il en coûte, ce bébé, cette petite marchandise va bouleverser la vie de cette femme, de son mari, et de tous ceux qui vont croiser son destin, jusqu’à l’homme qui l’a jetée du train. Leur histoire va révéler le pire comme le meilleur du coeur des hommes…
Michel Hazanavicius est l’auteur d’une oeuvre passionnante qui entre en résonnance avec l’histoire du cinéma, de manière tant légère que profonde. On pense inévitablement au cinéma des premiers temps avec The Artist et, plus récemment, au film d’horreur comique avec Coupez !
À chaque fois, il s’essaye à un style particulier dont il adopte les codes avec l’humilité et la rigueur des cinéastes qui ne confondent jamais la parodie avec l’hommage. Avec cette adaptation d’un conte de Jean-Claude Grumberg, il aborde pour la première fois le cinéma d’animation. Soutenu par un graphisme épuré aux références picturales et une narration minimaliste, cette histoire nous connecte à l’une des plus grandes tragédies de l’Humanité : la Shoah.
L’approche du sujet est essentiellement suggestive, par les hors champs, la métaphore et le caractère aussi figuratif qu’abstrait des dessins. Formellement singulier, La plus précieuse des marchandises est le projet d’un cinéaste qui explore les potentialités de l’animation pour mieux faire travailler notre imaginaire et nous surprendre, à la manière d’un écrivain qui nous distancierait du romanesque par une approche poétique de son écriture. Cette histoire, elle vit longtemps en nous car tout y prend la forme d’une expérience hors du commun, ce qui nous connecte de façon bouleversante aux personnages.
Michel Hazanavicius sait que parler d’un tel sujet demande de trouver le juste équilibre entre la retenue et l’émotion, inévitable, entre un certain classicisme et une audace expérimentale qui aidera à transcender le réel, à évoquer l’horreur sans renier la poésie. Cela passe par des séquences d’une intensité folle où nos repères s’envolent, où tout ne devient que douleur mais aussi lumière, car Michel Hazanavicius est un cinéaste humaniste. Il croit en l’avenir, à la beauté, mais nous rappelle l’absolue nécessité de connaître les tragédies du passé pour mieux comprendre ce qui se joue aujourd’hui et potentiellement demain.
La vision de ce film déchirant évoque la barbarie et la bonté, la vie et la mort, ce que l’on voit et ce que l’on ne voit pas, ce que l’on dit et ce que l’on tait. C’est une oeuvre essentielle qu’il semble impossible de manquer, visuellement splendide, pensée pour le grand écran car Michel Hazanavicius est un cinéaste qui aime le cinéma.
NICOLAS BRUYELLE, les Grignoux