The Zone of Interest

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The Zone of Interest

De Jonathan Glazer | États-Unis/Grande-Bretagne/Pologne | 2023 | 1h46 | CineXtra Marche, Place de l'Etang, 6900 Marche-en-Famenne

Diffusion(s): 31/01-20h, 4/02-18h, 6/02-20h, 7/02-18h, 9/02-20h, 13/02-20h, 16/02-20h, 17/02-18h, 3/02-15h45



Acteur(s) : De Sandra Hüller, Christian Friedel, Ralph Herforth,...

Le commandant d’Auschwitz, Rudolf Höss, et sa femme Hedwig s’efforcent de construire une vie de rêve pour leur famille dans une maison avec jardin à côté du camp.

Jonathan Glazer (‘Birth’, ‘Under the Skin’) a reçu le Grand Prix du Festival de Cannes 2023 pour cette coproduction Europe/Etats-Unis qui nous montre de manière singulière la banalité du mal à l’œuvre pendant l’Holocauste. in, CineArt .be

 

 

Grand Prix au Festival de Cannes, le nouveau film de Jonathan Glazer est une œuvre magistrale et importante. Glaciale, impactante, elle convoque toute la puissance du cinéma pour raconter l’Holocauste et la banalité du mal

Le commandant d’Auschwitz, Rudolf Höss, et sa femme, Hedwig, s’efforcent de construire une vie de rêve pour leur famille dans une maison avec jardin à côté du camp…

C’est au bord d’une rivière que s’ouvre le film. Déjeuner sur l’herbe, insouciance printanière, la famille Höss profite d’un jour de congé. C’est par cette entrée-là, bercée par le doux son des grillons, du roucoulement de l’eau et des cris joyeux des enfants, que le film nous entraîne progressivement dans l’horreur la plus glaçante. Le tour de force de Jonathan Glazer (réalisateur du fascinant Under the Skin) est de basculer sa caméra, et donc notre regard, de l’autre côté des camps de concentration — littéralement de l’autre côté du mur qui jouxte celui d’Auschwitz-Birkenau —, dans la demeure et le quotidien de cette famille nazie, dont le père fut l’un des rouages essentiels de l’extermination des Juifs.

Évidemment, une dissonance s’immisce bientôt dans ce tableau a priori parfait, la petite musique stridente de l’ignominie se fait entendre, d’abord par à-coups, puis jusqu’à envahir la totalité de l’espace. Non seulement l’espace qui nous est donné à voir, mais aussi — et c’est là le coup de maître esthétique du film — celui de notre conscience, comme un malaise diffus qui alerte tous nos sens, réveille cette mémoire mortifère enfouie en nous et qui nous a tant inquiétés, celle du pire dont l’Homme est capable. Cette famille a priori ordinaire est un véritable condensé de monstruosités.

C’est toute la question de la banalité du mal — ce mal absolu dissimulé dans les détails du quotidien, dans les conversations usuelles — que le cinéaste met en scène. Son traitement passe en grande partie par le motif du hors champ (tout ce qu’on ne voit pas mais qu’on devine) ou par ce que l’on voit, mais qui dissimule autre chose. Comme ce nuage de fumée permanent à l’horizon suggérant des fours crématoires tournant à plein régime, ou ces tas d’accessoires dont Mme Höss (troublante Sandra Hüller, rôle principal de la Palme d’Or Anatomie d’une chute) fait le tri, choisissant nonchalamment ce qu’elle va garder pour elle ou non, et dont on pressent le sort de leurs anciens propriétaires.

En choisissant de raconter la Shoah du point de vue des bourreaux, Glazer pose un nouveau jalon dans la représentation cinématographique de celle-ci, dont la question tourmente les cinéastes depuis des décennies. Décider de ne rien montrer de l’horreur des camps, c’est activer l’imaginaire du spectateur.

À plusieurs reprises, le réalisateur insère dans son montage visuel et sonore des éléments hétérogènes venant ajouter un palier significatif supplémentaire à ce que nous sommes en train de regarder. Une expérimentation dans la forme qui n’enlève rien à la force de l’énonciation, mais qui, au contraire, nous rappelle que le cinéma est un organisateur de sens profond, impactant nos pensées jusqu’à l’os, usant de la suggestion et de la figure de style pour renouveler un discours qui n’a de cesse de nous hanter. Un discours au service de l’Histoire, d’un génocide humain qui doit, aujourd’hui plus que jamais, continuer à nous préoccuper.

ALICIA DEL PUPPO, les Grignoux